mardi 27 décembre 2011

L'écu : formes et partitions

FORMES

L'écu, en latin scutum, était primitivement fait de bois très léger, et servait à garantir le guerrier des coups de l'ennemi, quelquefois même des intempéries. On le recouvrait de cuir, ce qui avait sans doute fait emprunter le mot scutum à l'expression grecque, bouclier. Toutes les nations se sont servies du bouclier comme arme défensive, et elles l'ont modifié selon le genre d'attaque qu'il devait repousser, selon l'arme offensive dont il devait parer les coups. 

Véritable ami du soldat, celui-ci ne le quittait jamais, et, se plaisant à l'orner des emblèmes de ses caprices ou de ses affections, lui vouait une espèce de culte.

Les anciles de Rome, dont l'origine est fabuleuse, donnent une idée du respect qui s'attachait aux armes de ce genre. L'an 48 de la fondation de Rome, 706 ans avant Jésus-Christ, la peste se répandit dans toute l'Italie, et ne cessa que lorsqu'on vit tomber du ciel un bouclier de cuivre. Numa Pompilius consulta la nymphe Egérie, et rapporta pour réponse que ce bouclier serait l'égide de Rome, non-seulement contre la fureur de ses ennemis, mais encore contre la peste et tous les événements malheureux qui pourraient survenir; et qu'à sa conservation était attaché le sort de l'empire. Le prince fit fabriquer onze boucliers semblables, afin qu'il ne pût être reconnu si quelqu'un tentait de le dérober, et ces douze anciles furent confiés à un collège de douze prêtres de Mars pris dans l'ordre des patriciens. Les plus grands capitaines romains tinrent à honneur d'en faire partie; on nomma Saliens Palatins, du nom de leur temple, situé sur le mont Palatin. Tous les ans, au mois de mars, ces prêtres revêtus de robes brodées d'or, couronnés de lauriers, parcouraient la ville en grande pompe, et montraient les anciles, que chacun d'eux portait au bras droit. Le jour de cette fête, il n'était pas permis à une armée romaine, en quelque endroit qu'elle se trouvât, de faire aucun mouvement. On ne pouvait point se marier, les ventes étaient interdites, et toute entreprise commencée dans ce jour devait porter malheur. Tacite attribue le mauvais succès de l'empereur Othon contre Vitellius à son départ de Rome pendant que l'on portait les boucliers sacrés.

Les Gaulois avaient coutume, pour éprouver si leurs enfants étaient légitimes, de placer le nouveau-né sur un bouclier, et de l'exposer au courant des rivières. Si l'eau engloutissait le frêle esquif, l'enfant était déclaré bâtard, et personne ne songeait à le sauver, tandis que la légitimité était proclamée si les ondes respectaient la victime. Aussi Tacite, parlant des moeurs des Germains, nomme le Rhin, fleuve éprouvant les mariages. Le bouclier était au nombre des présents de noce que l'époux faisait à sa fiancée, sans doute pour lui rappeler l'épreuve terrible à laquelle il devait servir. On l'employait encore pour les adoptions, pour l'admission d'un jeune homme au rang de citoyen. César dit que l'habitant des bords du Rhin ne peut sortir et prendre part aux affaires publiques sans être armé de sa lance et de son bouclier; et lorsque, dans le conseil, un orateur avait mérité l'approbation publique, chaque assistant la lui témoignait en frappant sur son bouclier. Enfin c'était sur un pavois que l'on plaçait le chef élu pour le faire reconnaître de toute l'armée.

A mesure que les peuples avancèrent en civilisation, l'écu subit l'influence de l'art, se modifia et se couvrit d'ornements. Destiné d'abord à préserver l'homme de guerre des coups de l'ennemi, il lui servit encore à repousser les attaques du mépris, en faisant connaître les belles actions dont son maître pouvait s'honorer. On y représenta les hauts faits au moyen de la peinture et de la sculpture; et les boucliers devinrent des pages d'histoire, on pourrait dire des brevets d'honneur que le titulaire portait toujours avec lui. Puis, lorsque la dimension du bouclier ne suffit plus pour contenir tous les hauts faits d'un brave, il fallut employer un langage dont chaque terme fût une narration, une écriture dont chaque caractère fût un fait. L'écu se prêta encore à cet art nouveau, et, malgré les diverses formes adoptées par les nations, présenta toujours les mêmes caractères emblématiques dans ses ornements.



Quelquefois aussi ce n'était pas un fait d'armes que portait l'écu, mais seulement l'expression d'un voeu, une devise amoureuse, une menace de vengeance.
  
L'écu d'armoiries est le champ qui représente le bouclier, la cotte d'armes ou la bannière sur laquelle étaient brodées ou émaillées les figures allégoriques.

PARTITIONS

Les partitions de l'écu sont les divisions résultant de lignes au moyen desquelles on partage le champ en plusieurs sections. Ces partitions sont au nombre de quatre, savoir :


Ces quatre partitions principales servent à en former d'autres nommées répartitions, au moyen de la combinaison des lignes indiquées plus haut ; ainsi :


Chaque division de l'écartelé peut se diviser encore au moyen de répartitions ci-dessous indiquées, ainsi :

Ecartelé : aux 1 et 4 contre-écartelés ; aux 2 et 3 contre-écartelés en sautoir.
L'écartelé peut être de quatre, six, huit, dix, douze, seize quartiers et plus; ainsi l'écu parti d'un coupé de deux, forme six quartiers.
Le parti de trois traits coupé d'un donne huit quartiers.
Le parti de quatre traits coupé d'un donné dix quartiers.
Le parti de trois traits coupé de deux donne douze quartiers.
Le parti de trois traits coupé de trois donne seize quartiers.
Le parti de quatre traits coupé de trois donne vingt quartiers.
Le parti de sept traits coupé de trois donne trente-deux quartiers. Ce dernier nombre est généralement le plus grand dont les héraldistes se servent. Il y a cependant quelques exemples de répartition et d'écartelures plus compliquées. Toutes ces repartitions ne servent qu'à distinguer les quartiers d'alliances des familles, et dans ce cas l'on met au centre de l'écu, sur la croisure, l'écusson de la famille principale, que l'on dit être sur le tout. Si ce dernier est lui-même écartelé, et qu'un troisième se trouve à son centre, on dit: sur le tout du tout.

POSITION DES FIGURES SUR L'ECU

On nomme positions les diverses places que les figures doivent occuper sur le champ ou écu. Elles sont au nombre de neuf, et ont déjà par elles-mêmes une signification, si l'on compare l'écu à un être animé. On peut donc, dans ce cas, supposer que l'écu est l'homme, et que les différentes figures sont la représentation de ses qualités et de ses belles actions. Du reste, c'est là le but des armoiries.


Les trois points D B E réunis sont appelés le chef de l'écu. Ils en occupent la partie supérieure, et représentent la tête.
B, est le point du chef.
D, le canton dextre du chef. La droite de l'écu se trouve toujours à la gauche du spectateur.
E, canton sénestre de l'écu. Quelques auteurs pensent que ces deux cantons représentent les bras.
F, point d' honneur. Il représente le col de l'homme auquel on suspend les colliers de chevalerie.
A, est le milieu ou le coeur de l'écu; on le désigne aussi sous le nom d'abîme. Quand il n'y a qu'une figure elle occupe ordinairement cette position, et l'on se dispense dans ce cas d'en faire mention.
G, est le nombril de l'écu.
H, flanc dextre.
I, flanc senestre.
C, pointe de l'écu, représente les jambes de l'homme, ainsi que le sol qui le supporte.
On peut, au moyen de ces neuf positions, déterminer toujours avec exactitude la place que les figures ou meubles doivent occuper sur le champ.

Sources :
Traité complet de la Science du Blason, J. d'Eschavannes - 1885
Noblesse, blason, ordre de chevalerie : manuel héraldique, E. Dentu - 1859
Trésor héraldique, A. de La Porte - 1864

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